« Pulsion », de Sandra Lucbert et Frédéric Lordon, est un livre de pur matérialisme politique. Comme l’avait pu être le « Léviathan » de Hobbes en son temps. Le but, affiché, de ce livre est de remettre en question, et se débarrasser de cet académisme surplombant de la psychanalyse, pour remettre dans le champ des Sciences Humaines, une discipline à la base, « noble ». Ce qui doit nous parler, c’est la déconstruction – parce que les déconstructivistes, ont su s’extirper de leur propre cadre, pour exposer au monde, des mécanismes que l’on pensait acquis et immuables. « Pulsion » s’inscrit dans la même logique : Freud corrigé, Lacan réhabilité et Spinoza couronné (entre autres). Nous avons à faire à un travail d’écriture à deux têtes, dont on reconnait aisément les deux styles, mais qui sont en symbiose parfaite, avec e style pointilleux et drôle de F. Lordon, et celui S. Lucbert, un style direct, synthétique, percutant très agréable à lire. Le style n’a rien d’élitiste. Certains termes peuvent paraître ampoulés » mais à leur juste place. Et c’est un plaisir d’apprendre de nouveaux mots. Pour le reste, il y a un Glossaire en fin de livre, qui reprend et définit chaque concept abordé.
Deux éléments à retenir particulièrement :
– bien que nous puissions être intéressés par la psychanalyse, nous sommes un certain nombre à éprouver une haine profonde pour Freud, parce qu’un homme a pillé le travail de tant d’autres, par pure vanité, a instauré une « religion » qui a dominé notre époque et qui a notamment servi de vecteur normatif social, en faisant aussi bien enfermer des dissidents politiques, que maltraiter des gens en détresse ou défavorisés, Le fait même d’avoir un DSM (bible universelle des pathologies mentales) sans la moindre considération pour les différences culturelles, ou même politiques vécues par les individus aura été un problème. « Pulsion » déconstruit cela, en explorant, cassant, expliquant, normalisant, désacraliant, en injectant de la Raison pure. Et dans un monde qu use et abuse de « formules » à l’emporte-pièce, ce travail fait un bien fou. Le livre régale de bout en bout.
– La proposition d’une construction, un personnage conceptuel (Modus) dont vous pouvez suivre ET l’évolution, et l’impact que le monde aura sur son développement. Le livre, ainsi, se met à la portée de tous. Vous voilà tantôt laborantin, tantôt « projectionniste »…
Nous voici donc devant un chef-d’œuvre, dense, et néanmoins aisé à assimiler, révolutionnaire : un livre de sociologie qui éclaire la construction individuelle, une interpénétration individuelle/collective déconstruite et démontrée avec brio.
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Remerciements RS pour le rédacteur de cette chronique.