Gaza/Troie : des populicides historiques, d’autres inventent des fictifs, alors qu’ils soutiennent l’accomplissement des crimes

« L’Iliade » et « l’Odyssée » ont été les bases de l’éducation/culture des Grecs anciens. Les récits homériques sont plus ou moins, bien connus. Pendant longtemps, ces récits ont été interprétés comme des fictions, peut-être liés à des faits, principalement par le fait que Troie et la guerre subie par Troie n’auraient pas existé. Les recherches archéologiques financées par le passionné Henrich Schliemann ont permis de trouver le site historique de la ville antique de Troie. Et, dans les strates des sols de cette localité, une strate démontre que la ville a subi un assaut militaire, lequel a provoqué la destruction de la ville. 

Dans ce texte publié par « The Conversation », Annick Louis conclut à propos de Schliemann, « On comprend rapidement que les objets mis à jour par ses fouilles ne peuvent en aucun cas correspondre à des événements susceptibles d’avoir inspiré Homère, qui se seraient déroulés ses découvertes autour de 1180 av. J.-C., alors que la composition de l’Iliade daterait de 730 ou 710 av. J.-C. Néanmoins, les fouilles de Schliemann permirent de découvrir les cultures inconnues, datant de 2550-2300 av. J.-C., et firent rêver le monde d’un passé dont on ignorait jusqu’à l’existence« . Actuellement, la datation des oeuvres d’Homère est énoncée par les spécialistes, au conditionnel, et quoiqu’il en soit, même si elles ont été formées par un individu au 8ème siècle av. J-C, elles sont bien postérieures aux évènements du site trouvé par Schliemann. Un premier récit, un archéo-récit (de la part d’un témoin de la guerre) a pu être repris, transformé, amélioré, par un aède. Mais le lien entre « l’Iliade » et « l’Odyssée », la problématique centrale de la souffrance morale vécue par un guerrier, qui a participé à la guerre et aux massacres, fait douter que ce récit ait pu être élaboré si tardivement. Ce n’est pas parce que nos « radars » historiques ne le perçoivent qu’à partir d’une certaine date, que ce récit n’existait pas antérieurement. Et l’important, c’est ce qu’il narre : une guerre, qui se termine par un populicide/génocide, duquel les crimes et les cris des victimes hantent encore « Ulysse », ce Roi qui est devenu personne, une ombre. Ces récits/poèmes homériques forment ensemble LE plus grand récit/témoignage, d’un crime, historique, de masse. C’est dans le récit qui fait de lui ce héros particulier, paradoxal, l’Odyssée, qu’Ulysse évoque le « cheval de Troie », ce stratagème dont il fut le concepteur, grâce auquel la ville de Troie, qui avait si remarquablement résisté, tombe, et devient la proie d’un populicide et d’un pillage. 

« Populicide » : le mot mérite d’être justifié, d’autant qu’il est actuellement exploité par un politicien, pour désigner un phénomène inexistant, quand, hélas, il y a eu… Il est strictement équivalent à ce que signifie le terme de « génocide », à savoir l’intention et l’action liée à cette intention, par un groupe/un peuple, d’exterminer un autre groupe/peuple, avec cette différence que l’ampleur de l’intention et de l’action est plus limitée, en l’espèce, à une population urbaine. Hélas, il y a eu de tels crimes de masse, par exemple, contre Carthage, par Rome. 

La population de Troie a subi un populicide. Les Troyens étaient des Hellènes, éoliens. Les assaillants étaient principalement des Achéens, d’autres Hellènes. Cette guerre fut un fratricide. De cette guerre, et de ce crime de masse, il n’y avait pas de photographes, pas de professionnels des télévisions, pas de satellites, mais le propos homérique en est le plus formidable écho, avec des images, fortes.

Hélas, voilà que notre époque a été le moment d’un nouveau populicide/génocide, par le massacre de milliers, centaines de milliers, de civils, à Gaza. UNE FOIS DE PLUS, ceux qui se réfèrent volontiers aux Hellènes/Grecs anciens pour s’identifier, les Occidentaux, sont en cause dans ce crime contre l’Humanité. Hélas, depuis trois mille ans, de tels crimes à une telle échelle semblent être devenus LA spécialité des Occidentaux. Or, à la différence de la destruction de Troie, celle de Gaza a été filmée, photographiée, chaque jour, y compris par des armes-caméras, les drones, des assaillants. Et, étrangement, il y a, malgré tout, des négateurs du fait, des « négationnistes en acte », qui, au moment même de la réalisation du crime, nient son existence. On le comprend : il y a des complices, des soutiens de. Du crime contre Troie, nul troyen survivant n’a témoigné, si ce n’est Énée, par L’Énéide, de Virgile. Si, dans « L’Iliade », des Troyens parlent, se font entendre, dans « L’Odyssée », ils sont morts, et c’est Ulysse qui les évoque, lui qui fut un roi-guerrier au service du Roi criminel, Agamemnon. Le seul moment où des morts parlent, c’est lorsque Ulysse fait surgir des Enfers, les âmes de ses frères de guerre, dont Achille. La mort des Troyens, c’est, dans ces deux poèmes, leur silence, qui atteste de leur disparition. 

Des Gazaouis, des Palestiniens, ont, miraculeusement, survécu, aux bombardements israéliens. Il y a et il y aura une Parole, de témoignage, de ce qu’ils ont subi. Il y a et il y aura des récits de. Y aura t-il des récits de la part des responsables et coupables ? Et si oui, que vaudront-ils ? Du début de « L’Iliade » à la fin de l »Odyssée », le récit homérique est une critique radicale de la royauté, d’une masculinité « héroïque », aristocratique, ontologiquement criminelle. Si un responsable/coupable des crimes contre les habitants de Gaza, de quoi sera-t-il la critique, concernant l’Etat, le gouvernement, les colons, d’Israël ? En attendant, nous, nous devons à ces enfants, femmes et hommes, de ne pas les laisser dans l’enfer du non-dit et de l’invisible. Ils furent, et ils sont devenus des êtres du passé, parce qu’ils ont été violemment envoyés au trépas, par des assassinats. 

Du « casus belli », l’enlèvement ou la fuite, d’Hélène, par son amant troyen, au 7 octobre 2023, l’apparence voudrait que les Troyens ne tuèrent aucun Achéen (mais infligèrent une blessure narcissique à un roi, frère du grand roi…, ce fameux déshonneur si universellement déterminant), quand des Gazaouis ont tué des Israéliens, ce qui changerait la nature du siège de Gaza par Israël – une vengeance ainsi en réponse à. Mais chacun sait que l’adieu d’Hélène à Ménélas ne fut qu’un prétexte pour permettre à Agamemnon, de réaliser le pillage de ses « rêves », mais moins savent que Gaza subissait déjà un siège permanent par un blocus avant le 7 octobre 2023. Depuis, nous avons appris que Gaza faisait l’objet de projets coloniaux par des membres du gouvernement israélien, avant et depuis le 7 octobre 2023. Pour lesquels l’action du Hamas du 7 octobre fut une « divine surprise ». Des Israéliens et d’autres pensent, en fonction d’éléments rendus publics, que l’attaque du Hamas était connue des dirigeants israéliens, et qu’ils l’ont laissé faire pour, précisément, mettre en oeuvre ce plan. De toute façon, aucun civil troyen n’était responsable de l’arrivée d’Hélène dans les murs de leur cité, aucun civil gazaoui n’est responsable des choix du Hamas pour le 7 octobre, et les Israéliens qui ont perdu la vie le 7 octobre n’étaient pas, pour beaucoup, des soutiens de M. Netanyahou. Il y a donc des leçons à tirer de la guerre contre Troie et de la destruction de Gaza, comme nous sommes censés avoir compris et énoncé, celles de la seconde guerre mondiale. Hélas…

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