Le 16 octobre 2025, L’Équipe publiait un article intitulé « Randonnées pieds nus, trails et vélo : Luis Enrique, le « grand‑père » hyperactif du PSG », signé par Hugo Delom, Loïc Tanzi et José Barroso. Les trois journalistes décrivent un entraîneur de 55 ans qui, malgré une fracture de la clavicule survenue lors d’une chute à vélo pendant la trêve de septembre, continue d’arborer une « intensité totale, cette quasi‑frénésie » sur le banc de Strasbourg. Ils soulignent son recours systématique à un scanner DEXA installé au club, à une montre connectée qui lui rappelle chaque séance, ainsi qu’à des entraînements variés – vélo indoor accompagné de podcasts de Radio France Internationale, tractions, gainage et longues marches pieds nus sur le campus du PSG. Le texte insiste sur son régime alimentaire « digne d’un marathonien », exempt de produits transformés, et sur le mantra qu’il répète souvent : « la nourriture comme médecine du corps ». Le corps de Luis Enrique est devenu le sujet et le reflet d’une discipline quasi‑obsessionnelle.
Derrière cette rigueur physique réelle, il y a une réalité économique qui son quotidien. Selon un reportage de Sportune (20 minutes), le salaire annuel de Luis Enrique s’élève à près de douze millions d’euros, soit environ un million d’euros brut chaque mois. Une telle rémunération place le technicien parmi les mieux payés du football européen et, surtout, lui confère une liberté de temps et de choix que la plupart des travailleurs ne connaissent jamais. Cette aisance financière se traduit d’abord par l’absence de contrainte immédiate : il n’a plus besoin de multiplier les heures supplémentaires ou de chercher des sources de revenu complémentaires pour assurer son train de vie. Il peut donc déléguer les aspects administratifs et logistiques à d’autres, se concentrant entièrement sur la préparation physique et tactique de son équipe – et de lui-même : Luis Enrique entraîne aussi Luis Enrique.
Cette indépendance économique ouvre également la porte à un accès privilégié aux soins de santé les plus avancés. Le scanner DEXA, les consultations privées avec des spécialistes de la nutrition, les programmes de rééducation personnalisés et les technologies de suivi biométrique deviennent des dépenses courantes plutôt que des exceptions réservées à une élite. En d’autres termes, le corps de Luis Enrique bénéficie d’un entretien de haut niveau, financé par une fortune qui lui permet d’investir sans compter dans chaque détail de sa condition physique. De plus, la capacité d’acquérir une résidence confortable, de voyager sans contraintes budgétaires et de profiter d’activités de loisir telles que le vélo de montagne ou les dégustations de vins fins dans l’ouest parisien participe à un équilibre mental indispensable à la haute performance.
Le poids de cette richesse se révèle de façon poignante dans la tragédie familiale qui a frappé Luis Enrique en 2023. Sa fille de neuf ans, Xana, est décédée des suites d’un cancer de la moelle osseuse. Les médias ont mis en avant le fait que le père a pu être présent « à chaque instant » pendant la maladie, grâce à un emploi du temps flexible rendu possible par son statut de cadre très rémunéré. Alors que la plupart des parents doivent jongler entre travail contraint et frais médicaux élevés, Luis Enrique a pu consacrer tout le temps nécessaire à accompagner sa fille, sans devoir sacrifier des heures de travail pour subvenir à leurs besoins. Le luxe du temps, rendu accessible par son salaire, a ainsi permis d’offrir à Xana un accompagnement constant, un soutien émotionnel et logistique que peu de familles peuvent espérer.
Ce contraste met en évidence une tension inhérente au capitalisme, le système qui a fait de Luis Enrique ce qu’il est aujourd’hui. D’une part, les revenus élevés génèrent un capital corporel : ils permettent d’investir massivement dans la santé, la nutrition de pointe et les technologies de suivi, transformant le corps en un « actif » que l’on entretient avec les meilleures ressources disponibles. D’autre part, le même système économique qui crée ces fortunes repose sur des dynamiques qui nuisent à la collectivité – surconsommation, pressions environnementales, inégalités sociales et économiques, et nombre de ces fortunes sont engagés dans le soutien idéologique à ce même capitalisme. Mais même les individus les plus riches ne sont pas immunisés aux menaces sanitaires qui affectent la société dans son ensemble; ils disposent simplement de moyens supérieurs pour y répondre. Ainsi, le corps hyperactif de Luis Enrique n’est pas uniquement le résultat d’une discipline personnelle, il est également le produit d’un cadre économique qui rend possible l’accès à des soins et à un mode de vie que la plupart ne peuvent s’offrir.
En définitive, le corps de Luis Enrique se situe à l’intersection de trois forces majeures : une routine physique rigoureuse décrite par L’Équipe, une rémunération annuelle qui libère le temps et les ressources nécessaires à cette discipline, et une expérience familiale douloureuse qui souligne le privilège du temps disponible. Cette combinaison crée un paradoxe : le même capitalisme qui alimente les profits du football, qui rend possible le salaire astronomique de l’entraîneur, engendre simultanément les déséquilibres qui menacent la santé collective. Le corps de Luis Enrique, à la fois symbole de performance maximale et témoin des contradictions du système, illustre parfaitement comment la richesse peut à la fois protéger et isoler, offrir un soin du corps hors norme tout en restant prisonnier d’un modèle économique qui, en fin de compte, « empoisonne » toute la société, y compris ceux qui en tirent les plus grands bénéfices. Luis Enrique a beau tenter de contrôler au maximum les éléments, leur état et leur fonctionnement, de son corps, il ne peut empêcher ni le vieillissement ni la maladie, surtout dans un cadre qui est malsain pour tous.
En France, il est possible de faire un don de moelle osseuse, via deux procédés, afin de sauver des personnes atteintes de graves affections (leucémies, aplasies médullaires, maladies métaboliques ou génétiques, déficit immunitaire, adrénoleucodystrophie…).